Longue discussion
Hier soir, la soirée avait pourtant bien commencé. Je suis revenue du travail souriante et assez contente de ma journée. La fin de semaine et le début de la semaine avaient été assez occupés, j’étais donc bien contente de renter à la maison, de retrouver mon chum pour un souper et une petite soirée tranquille juste tous les deux.
Quand je suis arrivée à la maison, mon chum avait préparé un bon souper et semblait d’assez bonne humeur également. Il était par contre habillé en femme, avec une jupe, des collants et tout le reste. En soi, cela ne me dérange pas, ça lui arrive souvent et je n’ai pas de problème avec ça. Je vois aussi qu’en se rasant la barbe, il s’est encore coupé à plusieurs endroits.
On s’installe pour souper et on se raconte nos journées respectives. Jusque là, tout va bien. Il me demande si à mes pauses au travail, si je suis venue écrire sur ce blog et je lui dis que oui (je n’ai pas eu le courage encore de lui faire lire ce blog). Je lui raconte un peu, il m’écoute avec attention.
Puis, une fois le souper terminé, il me demande si on peut parler un peu du sujet trans. Je lui dis qu’il n’y a pas de problème et il me dit que là, c’est vrai qu’il n’en peut plus de sa barbe et qu’il veut vraiment passer à l’épilation laser.
Je ne savais pas quand cela allait arriver, mais je m’y en attendais quand même un peu. Cela ne m’enchante toujours pas, mais je vois bien que je ne pourrai plus retarder l’échéance : on en est bel et bien rendu à cette étape. Je lui dis que ça va, qu’on va appeler en fin de semaine pour prendre un rendez-vous pour une consultation la semaine prochaine (je crois bien qu’il était prêt à ce que tout se fasse cette semaine, mais il n’a pas insisté plus que ça et je le remercie pour sa délicatesse).
Il semble d’assez bonne humeur et je décide de continuer sur le sujet un peu. Je lui fais part de mes inquiétudes à ce sujet, que j’ai peur qu’il y prenne goût et qu’il veuille encore plus une fois que ce sera fait (voir mon message « La barbe » pour tous les détails). Je lui dis aussi que j’ai espoir qu’après cette étape, peut-être qu’il se sentira assez bien et que cela fera une assez grosse différence pour qu’il décide de ne pas aller plus loin. Il n’approuve pas ni ne désapprouve, mais je vois bien qu’il ne croit pas trop en cette hypothèse et je dois avouer que moi non plus.
Il me reparle de sa psy, qui lui dit sans cesse que la barbe est juste le commencement et qu’il n’y a pas d’autres issues possibles que la transition complète. Je prends le temps alors de lui expliquer tout ce que je ressens par rapport à sa psy (voir mon message à ce sujet) et de toutes les craintes qu’elle m’inspire. Là, ça commence à déraper un peu et il me dit qu’au prix qu’il paie ses visites, c’est un minimum d’avoir confiance en elle et qu’il n’a pas l’intention d’arrêter.
Je lui explique que ce n’est pas ce que je lui demande, juste de garder en tête qu’il y a d’autres alternatives que la transition physique complète comme elle le laisse sous-entendre.
Et là, il commence à me dire que s’il ne va pas jusque là, que c’est à cause de moi. Qu’il m’aime et qu’il ne veut pas me faire souffrir. Qu’il s’accroche à moi mais qu’il n’est pas sûr de réussir à passer au travers de ça sans faire une transition complète. Il se sent terriblement coupable de me faire vivre tout ça et moi, je commence à me sentir terriblement coupable d’être ainsi un frein à son bonheur. Je lui fais remarquer que même quand il était seul avant de me connaître, il n’a jamais fait les démarches pour commencer une quelconque transition, alors, ce n’est sûrement pas juste à cause de moi!
Les larmes coulent à flots pour nous deux. On ne veut pas perdre l’autre, on s’aime, mais mon chum hier soir ne voyait pas d’autres issues que la transition avec une certaine amertume et un certain découragement.
Je lui dis que je serai toujours avec lui, que je suis prête à l’accompagner dans chacune des étapes qu’il jugera nécessaire, en autant qu’on prenne notre temps et que ça n’aille pas trop vite. On va commencer par l’épilation définitive de la barbe et on verra ensuite ce que ça donnera. Après tout, personne ne connaît l’avenir et tant qu’il n’a pas fait ses choix et et prit ses décisions, on ne sait pas jusqu’où cela mènera.
Il est d’accord pour qu’on commence par la barbe et d’y aller tranquillement. Lui-même avoue qu’il n’est pas sûr si ça ira plus loin ou non par la suite.
On change de sujet, on décide de passer à autre chose pour se changer les idées, mais je reste au bord des larmes et avec le cœur gros. On écoute un peu la télévision, mais on met souvent sur pause pour ajouter des petits détails à notre conversation.
Puis, à la fin de la soirée, alors qu’on est sur le point d’aller se coucher, il me rappelle que j’ai promis qu’on appellerait pour l’épilation au laser de la barbe en fin de semaine. Je lui confirme qu’on va le faire sans faute. Et là, il termine ça en me disant :
« Tu sais, la barbe, c’est juste un début. J’ai hâte que ce soit pour le restant du corps et que peut-être bien que ça aille plus loin après. »
La discussion a repris, mais d’une manière un peu plus orageuse cette fois-ci, alors que je lui faisais rappeler qu’il y a quelques heures à peine, il m’assurait que ce serait une étape après l’autre, qu’on prendrait notre temps et qu’on ne brusquerait rien. On s’était dit qu’on irait à notre rythme à tous les deux. Je vais faire des efforts pour ne pas trop le faire patienter et accepter ses choix, mais je lui demande de calmer un peu ses impatiences et ses impulsions. Je comprends bien que cela commence à lui peser lourd, je comprends bien que cela fait des années qu’il ne pense qu’à ça, mais moi, ça ne fait que 6 mois et je trouve déjà que ça va pas mal vite déjà. Et alors que je viens de lui dire oui pour la barbe, je n’avais décidément pas besoin d’entendre le soir même tout ce qu’il espérait déjà pour la suite.
Bref, cela m’a complètement chamboulée et je l’ai laissé aller se coucher alors que moi, j’ai continué à pleurer à chaudes larmes un bon moment. Pleurer pour tout ce qui s’en venait, pleurer pour toutes les peurs que j’ai, pleurer de me sentir si égoïste par rapport à lui, pleurer de la manière que la soirée s’est terminée, pleurer sur son impatience, pleurer sur le fait qu’il n’arrête pas de changer d’idée… pleurer sur un peu tout finalement. Et la fatigue des derniers jours n’aidant pas, cela a mis un bon moment avant que j’arrive à faire quelque chose et ensuite à aller me coucher, mais j’ai mal dormi et voilà la fatigue qui s’accumule encore plus.
Bien sûr, au lever, je pensais encore à ça. On s’est vu un peu ce matin avant mon départ, mais je crois qu’il faudra vraiment revenir sur cette discussion à tête plus reposée.
En attendant, je me fais à l’idée que la semaine prochaine, l’épilation de la barbe va arriver pour de vrai et je continue à espérer que cela sera pour le mieux après…
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