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Compagne de trans (MtF)
1 décembre 2009

Urgence de la fin de semaine

Cette fin de semaine, j’ai vécu tout un tas d’émotions qui m’ont fait prendre conscience de l’urgence d’agir et, surtout, à quel point je ne veux pas perdre mon chum.

Vendredi matin, j’appelle mon chum une première fois en arrivant au travail pour lui souhaiter une bonne journée. Tout semble bien aller.

Je le rappelle en fin de soirée, la ligne est occupée, je lui laisse un message pour lui souhaiter une bonne soirée. C’est vendredi soir, j’espère qu’il va en profiter.

De mon côté, je vais souper avec une amie et on parle toute la soirée de tout et de rien. En sortant du restaurant, j’appelle mon chum pour qu’il ne s’inquiète pas, mais pas de réponse. Il est peut-être occupé, je laisse un message, sans me poser de questions.

Juste avant de prendre l’autobus du retour, je l’appelle pour lui dire l’heure à laquelle je vais arriver, mais toujours pas de réponse. Je lui laisse un message et je me dis qu’il est probablement sorti.

J’arrive chez-moi vers 23h20 alors que c’est un déluge de pluie à l’extérieur. Dès que j’entre dans la maison, je comprends que quelque chose ne va pas. Mon chum ne semble pas là, mais la télévision, le ventilateur et une lumière sont allumés. Il n’y a pas de message pour me dire où il est, ni sur la table, sur le frigo ou sur la boîte vocale (alors que c’est une entente très claire entre nous de toujours se laisser une note à savoir où l’on se trouve).

J’écoute les messages sur la boîte vocale et je m’aperçois qu’il n’a pas pris ses messages depuis le milieu de l’après-midi (donc je réécoute mes 3 propres messages que j’avais laissés au courant de la journée et de la soirée, plus un d’une femme qui s’excuse de ne pas avoir rappelé plus tôt et qu’elle demande à mon chum de la rappeler le plus vite possible, ça semble urgent). Je me pose de sérieuses questions et le temps d’enlever mon manteau, je vois le portefeuille de mon chum sur le divan! Il ne sort jamais sans son portefeuille!

Bon, l’option que je pense à ce moment, c’est qu’il est peut-être couché et qu’il ne m’a pas entendu arriver (ce genre de situation est déjà arrivée). Je vais voir dans la chambre, dans la pièce d’ordinateur, à la salle de bain et dans la cave, il n’y est pas. En revenant dans le salon et la cuisine, je vois que mon chum est également parti sans son sac à dos, son parapluie, son ipod... et ses clés!

Je commence à m’inquiéter très sérieusement... et je panique littéralement lorsque je trouve deux bouteilles d’alcool fort, complètement vides, sur la table. Ce sont deux bouteilles que nous gardons pour servir un verre à nos invités une fois de temps en temps et elles étaient presque pleines, soit une grosse bouteille de rhum brun et une bouteille de Grand Marnier.

Là, inutile de dire que je panique complètement et que je n’arrive plus à penser du tout. En fait, oui, je pense à un seul détail qui me revient sans cesse en tête : avec la déprime des derniers jours, les longues discussions, je sais que mon chum était plus ou moins « down » ces temps-ci et qu’il pensait beaucoup à sa dysphorie de genre. Avec l’alcool qu’il vient de prendre (il n’a pas l’habitude d’en prendre, sauf à l’occasion un verre de vin), je crains le pire. Et le fait qu’il soit sorti sans argent, sans pièce d’identité, sans clé... comme s’il n’avait pas voulu laisser de traces ou qu’on le retrouve.

J’ai peur, je ne sais plus quoi faire, j’ai peur qu’il ait commis un geste irréparable, j’ai peur qu’il soit trop tard, j’ai peur de ne plus jamais le revoir...

J’ai la chance d’avoir mes parents qui habitent assez proche et malgré l’heure tardive, je n’hésite pas un instant et j’appelle mon père. Il semble inquiet de m’entendre ainsi, mais je crois qu’il ne réalise pas toute la situation et il vient me rejoindre aussitôt.

Après 10 longues minutes où je continue de paniquer et pendant lesquelles je ne sais plus quoi faire, mon père arrive finalement. Je lui montre les bouteilles, les choses que mon chum a laissé et, sans rien dire de sa dysphorie de genre, je lui explique qu’il était plutôt « down » ces derniers temps.

Il commence calmement par faire le tour de la maison au complet et le tour de la cour. Il regarde dans la cour des voisins également, dans la rue et dans le stationnement. Il regarde dans les salles de bain s’il y a des indices que mon chum aurait été malade ou blessé. Il me demande de vérifier dans le portefeuille pour voir s’il manquerait quelque chose, n’importe quoi.

Je fais tout ce que mon père me demande, je ne pense plus, je ne raisonne plus, j’ai peur, je pleure et je panique. Après quelques vérifications, je réalise que sa carte d’assurance-maladie n’est pas là.

On appelle donc l’hôpital le plus proche et après quelques minutes d’angoisse, on nous confirme qu’il est bel et bien à l’hôpital. À l’urgence pour avoir trop consommé de boisson, il va bien, son état est stable et il dort profondément, donc inutile de venir ce soir. Je pourrai aller faire un tour le lendemain matin.

Après cette peur de ne plus le revoir, cette panique qui m’étouffait, le soulagement est tel que mes nerfs lâchent pour de bon. C’est la première fois que je suis si heureuse de savoir que quelqu’un est à l’hôpital!

Mon père reste avec moi malgré l’heure tardive, le temps que je me calme et que je retrouve mes esprits. Il me demande si j’ai une idée de ce qui a pu se passer...

LA GROSSE question! Bien sûr que je sais cela est dû à quoi. Bien sûr que je savais que mon chum était down ces temps-ci. Bien sûr que j’ai crains le pire en sachant tout cela...

Mais je ne peux rien dire, rien avouer à mon père. Mon chum n’est pas assez sûr de lui, il ne sait pas encore ce qu’il veut ou non, il ne sait même pas s’il entamera une transition ou non et comme ma famille est très proche de lui, ça ne ferait que brouiller les relations en attendant la décision « finale » de mon chum et on s’était promis de n’en parler à personne tant qu’il ne le déciderait pas.

Je dois donc dire les choses à moitié. Dire que oui, il y a un problème ces temps-ci, que je suis au courant et mon chum aussi, mais que je préfère ne pas en parler. J’avoue que mon chum est déjà suivi par une psy à ce sujet, sans toujours rien dire de plus.

Après cette discussion, mon père me propose de venir passer la nuit chez eux, proposition que j’accepte tout de suite, car pour le moment, je ne veux pas rester seule chez-moi. Je ferme tout, je laisse les bouteilles et autres sans les toucher et je pars.

Rendue chez mes parents, ma mère pose des questions, elle était bien sûr inquiète, mais lorsqu’elle apprend de quoi il s’agit, elle est vraiment en colère contre mon chum. Il est tard, j’ai les nerfs en boule, j’ai dû mal à comprendre les émotions que je vis... je n’avais surtout pas besoin de ma mère qui monte sur ses grands chevaux et que je doive « rassurer ». L’exercice est épuisant et me vide encore plus...

Finalement, je m’installe sur le divan aux alentours de 2h30. J’ai dû mal à trouver le sommeil, je pense à tout ça, mon esprit s’emballe.

Je finis par m’endormir plus ou moins, sous le regard observateur du chat de chez mes parents qui semble comprendre que ça ne va pas. Il est resté d’ailleurs toute la nuit à me veiller (vraiment étonnant ces petites bêtes!).

Au matin, je me lève en même temps que mon père et après un petit déjeuner simple, il avait été convenu que nous passerions à l’hôpital pour que je puisse voir mon chum. Avant de partir, j’ai encore droit aux questions accusatrices de ma mère, ce qui ne fait que précipiter mon départ.

J’arrive à l’hôpital à 8h. Je sais que ce n’est pas l’heure des visites, mais l’infirmier à qui j’ai parlé cette nuit m’a assuré que je pourrais passer voir mon chum quelques minutes.

J’arrive à l’accueil, on me répond que mon chum n’est plus à l’urgence et qu’il a été transféré à un autre étage... l’étage psychiatrique! Ça donne un choc d’apprendre ça, mais je veux aller le voir quand même. Commence alors l’argumentation, car la femme à l’accueil ne veut pas me laisser passer.

Je lui explique comment c’est arrivé, qu’on m’a assurée que je pourrais venir le voir quelques minutes et que de toute manière, je serais mieux de voir le médecin, car j’ai la liste des médicaments et autres détails à lui fournir. Elle accepte finalement de ma laisser passer.

Mais j’arrive à l’ascenseur et c’est maintenant au tour de l’agent de sécurité que je dois convaincre et je recommence mon histoire. Il me laisse finalement passer de justesse.

J’arrive à l’étage en question, mais comme c’est l’étage psychiatrique, c’est fermé par une grosse porte en fer, verrouillée en permanence. Je sonne, l’infirmière de garde vient me voir après quelques minutes, et là encore, je dois expliquer pourquoi je suis là, pourquoi je veux aller le voir et pourquoi il serait important que je vois le médecin de mon chum. Je suis lasse de devoir me battre ainsi, tout ce que je veux, c'est voir mon chum, m'assurer de son état et rentrer chez-moi. C'est épuisant de toujours devoir argumenter ainsi!

Cela a été long (près de 10 minutes, car il y a eu une altercation violente entre un patient et un infirmier pendant que j’étais là... tout pour aider mon moral!), mais je peux finalement aller voir mon chum.

Il est un peu dans les vapes, mais il semble content de me voir et il va bien. Il ne se rappelle pas de tous les détails de la veille par contre. Toute l’émotion de la veille me submerge et même si je suis si heureuse et soulagée de le voir, je ne peux m’empêcher de lui en vouloir et de lui dire à quel point j’ai trouvé ça con ce qu’il a fait.

L’infirmière vient me voir et me demande de sortir. Je dis à mon chum que je serai de retour en après-midi avec ses effets personnels. En sortant de sa chambre, je réussis à parler à son infirmière et je lui explique sa dysphorie de genre, qu’il est déjà suivi par une psy à ce sujet, je lui parle des médicaments qu’il prend et du fait qu’il a eu un traumatisme crânien. Elle semble beaucoup apprécié que j’ai fourni ces détails et elle dit que ça « jette un éclairage » nouveau sur ce cas. Je lui demande en même temps pourquoi il est rendu en psychiatrie et elle me répond que c’est considéré comme une tentative de suicide (surtout qu’il aurait pris quelques médicaments pour mieux filer... même si lui ne s’en rappelle pas, mais comme il y a pleins de choses dont il ne se rappelle pas, ce n’est pas impossible non plus). Il devrait rester là quelques jours, le temps qu’il soit vu et évalué par une psychiatre.

Je sors de l’hôpital et mon père vient me reconduire chez-moi. J’ai besoin d’être seule, de me reposer, de remettre de l’ordre dans mes idées. Je me fais une petite liste de ce que je dois faire, des gens à appeler (j’ai dû mal à m’imaginer annoncer ça à mes beaux-parents!) et des choses à apporter à mon chum en après-midi.

Je me couche un peu, mais j’arrive plus ou moins à dormir.

Et vers l’heure du midi, téléphone : c’est mon chum pour me dire qu’il est sorti! J’ai l’esprit embrumé, je ne comprends pas trop comment cela se fait. Vite, j’appelle un taxi et je vais le chercher et on revient tous les deux à la maison.

Il a bien vu la psychiatre ce matin et avec les informations que j’avais données à l’infirmière et que lui-même a confirmées, ils n’ont pas jugé bon de le garder plus longtemps.

Je suis soulagée, mais commence alors une longue discussion. Il se sent mal pour ce qu’il a fait et reconnaît qu’il a fait une niaiserie. Par contre, il est sidéré que l’hôpital ne m’ait pas laissé un message, il leur avait pourtant demandé à plusieurs reprises de m’appeler et ils avaient confirmé que cela avait été fait. J’avoue que si j’avais su dès le départ qu’il avait été à l’hôpital, il n’y aurait pas eu cette même panique et cette même inquiétude et la situation aurait probablement été fort différente.

Il a eu un down assez important, toujours concernant sa dysphorie de genre. Il a commencé à boire un peu et il ne se rappelle pas du tout avoir vidé les deux bouteilles. Par contre, il avait laissé un message à une psy qu’il connaît bien (pas celle qu’il voit régulièrement) et c’était elle qui avait rappelé en après-midi et de qui il y avait un message sur la boîte vocale. Elle a ensuite rappelé sur l’heure du souper et en voyant l’état dans lequel il était, c’est elle qui avait appelé l’ambulance et elle était restée en ligne avec lui jusqu’à ce que les ambulanciers arrivent (ce qui explique que la ligne était occupée lorsque j’avais appelé après ma journée de travail).

Moi, après toutes ses émotions, j’ai été complètement vidée et mes nerfs ont lâché le restant de la fin de semaine. Et ma nuit sur le divan ainsi que tout ce stress ont fait que mon mal de dos que je traînais depuis quelques semaines et qui était presque parti est revenu avec plus de force que jamais. J’ai pris une journée de congé à ma job lundi pendant que mon chum allait à son rendez-vous hebdomadaire avec sa psy et je sais qu’il lui a raconté tout ça.

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